Ateliers, Lyon, juin 06

 

est un article paru aux pages 23 et 24 de La Faute à Rousseau n°43, octobre 2006, consacré aux "Autoportraits". Bilan des merveilleuses Journées de l'Autobiographie, qui s'étaient déroulées quelques semaines plus tôt à Lyon...

 

Le texte est illustré dans la revue de l'APA, l'Association Pour l'Autobiographie, par une photographie fort sympathique d'Evelune Pansu, montrant Micheline Lucas, son mari, Karin Bernfeld, Anne Poiré et Patrick Guallino, en pleine conversation, le fameux dimanche 4 juin 2006.

 

Ateliers, Lyon, juin 2006

Les Journées de Lyon s'éloignent, restent des sensations, des impressions, des rencontres : de doux mails prolongent les échanges avec Micheline, André, Karin ou Gisèle... Instantanés, dont la trace subsiste, sur papier, également. Patrick s'est joint, le dimanche 4 juin au matin, à l'activité proposée par Gilles Alvarez. En témoignent des collages à décrypter comme autant d'autoportraits. Nous revenions de Paris : pousse une tour Eiffel... Un dessin d'enfant découvert dans un magazine renvoie à l'art guallinesque dans toute sa splendeur, et ces coeurs, ces vénus et déesses, ces amoureux, découpés ou déchiquetés, couplant mots et couleurs, graphisme de trait et de syllabes, attestent que mon prince s'en est donné à coeur joie, multipliant les réalisations, pendant que, de mon côté, j'animais avec plaisir un atelier d'écriture, explorant, dans la rapidité, un certain volume d'esquisses de soi. Les consignes étaient variées ; les participants peu à peu se dénudaient, drôles et touchants ! Chacun a élaboré, puis lu, de nombreux textes, ou ébauches, bribes, à affiner ensuite, en tête-à-tête... commencé des croquis, directs ou indirects. Partant de "je ne suis pas", on s'aperçoit que dans la négation, en creux, l'on se détache, déjà. J'ai suggéré d'effectuer un "autoportrait-robot". Je me suis appuyée sur l'expérience d'un artiste, contemporain, qui utilise un logiciel permettant de construire ce type de représentations. Il demande à des volontaires de bien vouloir l'aider à constituer leur propre visage... et il les photographie. Il présente, en exposition, la juxtaposition des deux résultats, parfois étonnamment dissemblables. La contestation offre l'enrichissement, tel Joachim, démarrant sur "C'est cette idée de robot, qui ne me plaît pas", continuant à se définir, plus que jamais ! "Si j'étais une maison" nous a conduit sur les chemins de la mobilité, avec Line, ou des paysages, valorisant la bâtisse, avec Odile, voire les "cachettes", salles dans lesquelles imaginer des "débats acharnés", pour André...
Notre groupe a eu la surprise d'une visite impromptue de Serge Vollin, qui devait nous émouvoir, avec la présentation de son travail pictural, quelques heures plus tard. Ce dernier était en train de préparer la sympathique dédicace qui allait illustrer le catalogue que nous lui avions acheté : "Pardon, c'est simplement pour voir tes yeux !" Il m'a fait soulever mes lunettes rouges et noires, afin de vérifier qu'il ne se trompait pas, le tracé, la nuance, n'en seraient que plus "précis". Il est ressorti, en trombe, comme il était entré. Line en a été soufflée, déroutée, visiblement : "Ah, ça, c'est inattendu... !" Se sont succédées des pistes sur le nom, - le prénom a été plutôt choisi, par tous ! -, et le langage : les vocables qui m'échappent, ceux que je déteste ou que j'apprécie particulièrement... Manière de dire qui je suis. Michèle nous a bouleversés, en évoquant l'éternel "Maman" : elle sait parfaitement qu'elle ne le prononcera plus, bientôt. Quant à la partie de mon corps qui rappelle mon père, ma grand-mère... elle m'inscrit dans une lignée, même si l'on croit ne traiter que de ses "cuisses" ou de sa "silhouette". "Ce qu'il faudrait transformer, bien sûr, c'est...", et "J'ai quinze ans", arrêt sur image rétrospectif... : voilà qui levait le voile, par exemple, sur la pathétique quête d'humour d'Anne-Marie, son goût pour les combats dans la neige, contre les garçons, à en finir trempée, jusqu'aux os, les rigueurs de l'internat, pour Michèle ou Line, ou des expressions comme celle d'un membre familial accusant son fils, "Il met les doigts dans les plaies des gens"... Dans l'autoportrait en compagnie, on a démasqué les amis, les ennemis, la famille, - colombes que l'on veut à ses côtés, et vipères, que l'on exclut d'office - : une foule, soudain, à proxmité ! Décrire un objet, (que je souhaiterais léguer), c'est parler encore de soi, non ? Qu'il soit chinois, ou associé à l'école, à ces maîtresses qui prennent par la main, pour sortir du brouillard, ou aux livres, tellement aimés, au point qu'à quatre ans, on ait pu dérober sans hésiter Le petit Gilbert, pour y apprendre à lire... tout stimule ! Enfin, la veille nous avions eu la poignante mise en scène de Lambeaux, à la deuxième personne du singulier, nous avons testé une contrainte de même énonciation. Mais là c'était la course... parce que suivaient les "Cartes blanches", sans oublier l'après-midi, avec son cortège d'émotions. Oui, tout ce kaléidoscope en une unique séance ! L'exploit...
En réalité, ce que je retiens de ces Journées, c'est l'équilibre entre les communications "théoriques", les frissons et emballements, bruts de vécu, le magnifique spectacle de C. Juliet... (Quelle satisfaction de le revoir, en chair et en os !) Et puis, surtout, je me suis régalée, grâce aux interstices. Vous savez, ces moments au cours desquels il ne se passe rien, apparemment : les repas, le petit déjeuner, ces occasions, précieuses, pour qu'une amitié se noue, une vie se révèle... Les pauses, les intervalles. Les avant, les après. Ces merveilles qui amorcent un lien, un contact fort, dense. Un voyage en autocar depuis le musée, ou l'espace d'un café (moi qui n'en bois jamais...) : fusent les sourires, s'ancrent les désirs de poursuivre... Échos à plusieurs, impressionnistes... Impressionnants. De Lyon, nous sommes rentrés heureux. De ces retrouvailles chaleureuses, nous sommes gorgés de sève. Enthousiasme allant crescendo, au fil des interventions programmées autant que dans ces heurts de hasard. J'adore ces larmes, ces rires, ce bouillonnement, ces temps "intermédiaires", qui nourrissent... Vivement Ambérieu, l'année prochaine, les 7 et 8 juillet 2007 !