La carte postale.

 

est d'abord une contribution d'Anne Poiré à la revue Utopia 2005, revue Rhône-Alpes Culture, en ses carnets littéraires, pages 410 à 412.

La revue a publié de larges extraits de cette nouvelle émouvante.

 

En 2007, le texte complet et définitif est publié par les éditions D'un Noir Si Bleu,

http://dnsb.chez-alice.fr/

 

dans un superbe recueil

La Maison de l'écrivain et autres trésors d'enfance.

Pour en savoir davantage sur ce recueil

cliquez sur La Maison de l'écrivain et autres trésors d'enfance.

 

« Allez, entre ! », répétait Daugava, ses couettes de blé dénouées, bâillant encore. Je rejoignais sans hésiter le royaume de leurs odeurs combinées, cette pièce commune dans laquelle ils s'étaient inextricablement entassés... J'étais fille unique : le mystère des familles nombreuses contribuait à me rendre cet univers formidable.

Humour, cocasserie, gravité, poésie... Écriture trempée dans les sons, les odeurs, les couleurs et les sensations...
Les nouvelles d'Anne Poiré, qu'elles mettent en scène les aléas de la famille nombreuse, le mystérieux phénomène de la gémellité ou la solitude de l'enfant unique, nous livrent de merveilleux fragments d'enfance ­ la sienne, la nôtre ­, traçant ainsi la géographie d'une enfance universelle, territoire de l'anecdotique et de l'inoubliable, où s'écoulent ces heures irremplaçables pendant lesquelles l'être adulte se façonne et s'édifie.

ISBN 978-2-9164-9903-1/ 172 pages

 

La maison de l'écrivain et autres trésors d'enfance

est en vente chez votre libraire préféré, ou directement sur le site des éditions DNSB, paiement sécurisé, en ligne :

http://dnsb.chez-alice.fr/

 

La carte postale

 

C'est elle. La carte postale de mon enfance. D'emblée s'imposent les coloris, les lignes. Aussitôt me saute à la gorge l'émotion. Je retrouve chaque recoin, dans ce décor, les insignifiances, négligeables, le presque rien. Je la scrute à m'en faire mal aux rétines. Collectionneuse de clichés anciens, j'ai toujours chiné, adulte. J'aime particulièrement dénicher du texte, au dos, me figurer des vies. J'engrange ensuite, je classe, je regarde... me captivant autant pour les prises de vue que pour les parties réservées à la correspondance. Celle-ci, c'est la seule, je le comprends soudain, que je cherchais. Évidemment ! J'amassais jusqu'à cet instant sans pouvoir accepter que dans le fond, j'étais uniquement en quête de ce Graal-là. Je la croyais perdue, si longtemps après. Carte des origines, planisphère de ma géographie intérieure.
Première pierre.

(...)
Derrière eux, paisibles également, des gens. La lumière va les rattraper, rai merveilleux. Un homme, la démarche sûre, avance, entouré d'enfants. Collés à lui, plutôt. Unis. L'adulte est vêtu d'un short, large, sur ses cuisses maigrelettes, retenu par une ceinture de cuir, noir, à la boucle qui brille, et une chemise, verte, de la couleur, exactement, du feuillage des arbres, dans le lointain. De même, les prunelles des gamins. Harmonie involontaire. Le regard de l'individu pétille. Une pipe à la bouche. Non, cet accessoire, c'est moi qui l'invente. Impossible de saisir les détails. Je peux néanmoins humer l'odeur de tabac, ce parfum envoûtant, - du "Amsterdamer" - , blague et briquet, effluve de mon enfance.
Le monsieur porte sur ses épaules un marmot, délicat, pas même vingt mois, déjà tête droite, mèches claires, sur une peau laiteuse. Un nourrisson, encore, à peine capable de se maintenir, là-haut. Agrippés au tissu beige, deux autres bambins, plus âgés, - trois ans et demie, sept ans, bientôt huit... - le garçonnet, sur la droite, se distingue par une culotte rouge, à bretelles, sur un modeste tee-shirt bleu-gris. Baissé, il explore le sol, ou bien les pattes et sabots du daguet le plus jeune, si proche. La fillette sur la gauche semble tenir son père par un infime morceau d'étoffe, - ne pas le perdre, ne pas s'éloigner, surtout continuer à sentir sa chaleur, rassurante, sa force d'homme, de père -, il s'agit pour elle de se sécuriser. Dans sa robe courte, largement au-dessus des genoux, sur un tee-shirt à manches ballon, jaune vif, elle paraît insouciante, heureuse de vivre. Des chaussettes blanches remontent jusqu'aux zones réservées au mercurochrome. Sa soeur plus grande sautille, elfe forestière, dans sa jupette orangée de danseuse, en dentelle, réalisée au crochet par sa mère. De loin l'on ne perçoit pas les fleurs brodées, en surimpression, violettes, qui égaient les masses colorées de son corsage. Ses lunettes rappellent celles de sa cadette. Mais ses longues tresses, totalement raides, sont sagement attachées, de chaque côté de ses joues, alors que la plus jeune, serrant son père, amarrée à lui, offre un visage poupin, - douce agnelle - , ses cheveux frisés, coupés en auréole, se déploient en tous sens : boucles épaisses, indisciplinées.


C'est la vie qui va.

(...)

 

Lecture en avant-première

le mardi 15 février 2005 à Hà Nôi, Vietnam, au Centre Culturel Français,

en la Médiathèque de L'Espace,

devant un public important, varié, et très attentif... :

Occasion d'un tout premier article en vietnamien, sur Anne Poiré ! Le Net en garde la trace :

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http://www.vnexpress.net/Vietnam/Van-hoa/My-thuat/2005/02/3B9DB6F6/