- Un petit air de clarinette

est un roman d'écriture et de folie... claudiquant entre Claudette et Claudette.

Mais qui est donc Claudette ?

En voici le début !

(...)

Chapitre inaugural

 

Madame, monsieur,


nous vous remercions de nous avoir fait parvenir ce texte, que notre comité de lecture a examiné avec une extrême attention.
Nous avons décidé de ne pas le publier. Nous regrettons de ne pas donner une suite favorable à ce projet, mais il ne correspond pas à notre ligne éditoriale.
Nous vous souhaitons bonne chance auprès de nos confrères.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, nos salutations les plus littéraires.

Sincèrement,

le Service des Manuscrits

Le vide en moi gagne, s'amplifie, et j'ai envie de hurler.
Mal à ma Claudette, mal au coeur, mal au corps.
À chacun de mes paragraphes, les plus développés, - traits pourpres, effleurements d'orage, flamboiements de garances, de cobalts - , les plus courts, - frôlements d'outremer alangui, sarabandes incisives, filets ourlés de sourds crépuscules, pulpeux anis indien, ou smalt, chevelures éparpillées sous des soleils éclectiques, électriques, phrases gonflées, galbées, distendues, suspendues, généreuses, butineuses, saupoudrées de doré - , mal aux mots, - teintes aiguisées - , mal aux chapitres entiers.
C'est si douloureux

Chut !
Il ne faut pas le dire.
L'on m'écoute, m'espionne peut-être. Pourtant j'ai promis. De toutes façons, c'est irrésistible, plus que tout. Terrible volonté. Acidité, citron sur la plaie.
Elle me manque tant !
J'attends une lettre de Claudette, et elle ne se manifeste jamais. Elle ne m'écrit plus.
Je pense à celle que j'aime. Si tu savais. Le saxo gémit dans ma tête, - mélopée pour clarinette- , trois modestes, discrètes notes, et puis s'en vont

Ma Claudette.
Vitriol de ma vie. Tu te dérobes et je songe insidieusement à ton corsage, si follement échancré.

 

Chapitre najaaesque

Mon dernier manuscrit, à contre-courant de toutes les modes, baignait dans le bon sentiment.
J'en étais au stade des relectures, appliquées, syllabe après syllabe, mailles à l'endroit, guipures à l'envers, parce que je me doutais que c'était là que se jouait toute la finesse qui ferait que oui ou non, enfin, l'on allait m'éditer ! Sonorités, rythme, invention J'étais très ému par l'aventure éternelle et éphémère, que je racontais. Prélude.
À chaque étape, mon coeur se serrait davantage, je respirais par saccades, ma gorge se nouait, et je feuilletais les pages avec l'espoir insensé de voir réglées les difficultés nées de l'indocilité de mon imagination. Qui sait, pendant la nuit, tous les problèmes se seraient-ils arrangés ?
Or voilà monsieur Najaa juste à son tour qui m'envoie un courrier poli, gentil, dans lequel il me refuse mon chef d'oeuvre, l'ultime, comme les trente-quatre précédents, en m'expliquant que, peut-être, si je me décidais
Un message de monsieur Najaa !

Ça, c'était un sacré événement !
Incroyable 
Un billet personnel, pas même reproduit en série à la photocopieuse J'en aurais sauté de joie ! D'ailleurs, cabriolant, je bondissais, je gambadais, impossible de tenir en place, après le passage du facteur, dans sa jaunette aux mille et un trésors. Je traversais toute la maison en chantonnant, l'enveloppe brandie à bout de bras, je lisais et relisais la missive à l'encre violette, je me concentrais sur les majuscules, sur les caractères légèrement déformés par la spontanéité d'une écriture éminemment volontaire, signe d'une individualité fort intéressante.

J'étais tellement bouleversé, d'abord, que je n'ai pas remarqué qu'il déclinait mon offre.

 

Chapitre à hématomes

C'est vrai, quoi ! Un mot, à mon nom, de lui, c'était plutôt encourageant ! D'accord, il n'acceptait pas mon projet Mais s'il n'était pas encore question de publier mon intime récit tendre, sentimental, cela viendrait néanmoins ! Nécessairement.
Au préalable, Monsieur Najaa me demandait, - si je comprenais bien - , d'agrémenter le tout.
En gros, il voulait que je répande du sang. Du raisiné !

Allons bon ! Il ne pouvait pas deviner 
J'étais prêt à le suivre dans ses propositions de corrections, n'importe lesquelles, évidemment ; j'envisageais de me soumettre. Son opinion serait la mienne J'étais obéissant, dans mon genre Seulement la mort : pas possible !
Depuis la tragique disparition de papa, l'idée d'un enterrement me rendait triste. À ce sujet, j'étais incapable d'aligner deux expressions Alors les histoires cruelles, forcément, j'évitais. Maman aussi m'avait mis les points sur les "i" Ou les poings ? Cela faisait mal, toujours. Elle m'avait dit, textuellement : " - Quand te résoudras-tu à cesser tes " Comment avait-elle enveloppé son propos ? Simagrées ? Non ! " tes mignardises à l'eau de rose" ! Je me le rappelle parfaitement. Elle avait ajouté, durement : "- Finis-en, avec ta sensiblerie ! "
J'avais pâli.

Ah oui, les éditeurs étaient comme elle : ils voulaient de l'hémoglobine, des hématomes, des fractures, des bobines démolies, des os, de la moelle, des dents brisées jusqu'à la nausée Eh bien, nom d'une pipe à casser, puisque c'est ce qu'ils désiraient, ils allaient être servis !

 

Chapitre mélodieux et bouquet loin d'être final

Un petit air de clarinette, - ou plutôt de saxophone -, et puis le silence. Le polar commence ainsi.
Soudain, au firmament, un chatoiement. Le feu d'artifice, royal, se répand, dans un éclat de rire.
Swingue, rythme and blues.

Brutalement, en plein air, un claquement, vibrato, projecteurs branchés du fin fond des nuées. Les festivités, impériales, impérieuses, s'amplifient, rosaces tourbillonnantes.
C'est le moment que choisit la victime pour rendre son extrait de naissance, - ou de nuisance - , ultime couac, un spasme d'agonie, très sec, dans les bras du bourreau.
Le tueur s'appelle Yana.
Un mètre quatre-vingt cinq, velu, pas le moins du monde ventru. Il boite. Une blessure, mal soignée, dans son passé. On l'a depuis longtemps surnommé jambe de bois. Il ne s'en est jamais offusqué. Flamboyante, inoxydable franche liesse : ah, Claudette, toi aussi tu les chéris, ces somptueux feux d'artifice, et pour te séduire, ô mon Adorée, je convoquerai ici les plus pimpants, les plus étincelants. Vrombissants vitraux virevoltants.
Ils exultent, pavoisent, - brandons embrasés. Des milliers d'étoiles pétaradent dans la nuit, - résille de plomb transfigurée. Confettis, lumières en paillettes, les jets gigantesques - , en myriades d'arabesques, ravalent le ciel.
Yana jambe de bois est un enfant du voyage, yeux de braise, front bombé, corps agile et raide à la fois, rigidité à la gravité solennelle - flamenco si, ojos y azulejos -, gracieux, jusque dans son handicap Un foulard rouge passion entoure son cou savamment tatoué.
Il vient d'étrangler Bazouka, un drôle de type, rencontré la veille, au bar L'ambigu.

 

Chapitre d'artifice

Pourquoi pas.
Il faut bien qu'une histoire démarre un jour. Voilà comment celle-ci finit.
Bazouka, langue bleue, dure, tordue, dressée.

Le ciel s'illumine, se dore, se lèche les babines. S'ensanglante sous les oh et les ah, dans des tonnerres d'applaudissements. Le poudroiement fuse, - jupe soulevée- , stalactites et entrelacs, les clignotements retombent, giclées de cascatelles, gemmes bariolées, explosant, bruyamment, dans les extrêmes. Mouvantes, les agates, comètes pulvérisées, constellent le voile sombre, rivières garances, d'écume, de topaze, de feuillage, de lapis-lazuli et de sable...

(...)

 

Pour lire la suite, il suffit de me la réclamer...

 

 

... et pour retrouver les oeuves de Patrick Guallino,

l'illustrateur préféré d'Anne Poiré,

également peintre, sculpteur,

rendez-vous directement sur son site :

http://perso.wanadoo.fr/art.guallino/