Journal Le monde
février 2003

Au départ, je reçois ce mail de mon frère...

"Allez les filles c'est le moment de montrer vos talentsssssssssssssssss !!!!!!!!!

!!!!!!!

!!!!!!!!!!!

LEMONDE.FR | 06.01.03 | 18h38

Vos lettres d'amour pour la Saint-Valentin

Le Monde invite ses lecteurs, à l'occasion de la prochaine fête de la Saint-Valentin, à écrire des lettres d'amour, tendres, enflammées, romantiques... selon leurs goûts, et à les lui adresser.

Seules contraintes pour participer : rédiger des textes dont la longueur varie entre une phrase et 1 200 signes maximum, et les faire parvenir exclusivement au Monde interactif.
Un comité de lecture sélectionnera les meilleures lettres, qui seront publiées dans le quotidien du jeudi 13 février (daté 14) et par notre partenaire El Pais Semanal. Le Monde interactif publiera la totalité des textes écrits en français.
Vos messages doivent être rédigés directement dans le courriel, en indiquant vos nom et prénom, adresse et numéro de téléphone.
Ils sont attendus du 6 au 13 janvier à minuit à l'adresse suivante :
saintvalentin@lemonde.fr"


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Pourquoi ne pas participer ?

Eh voilà le résultat, jeu à part entière...

À vous cette fois de deviner lequel de ces textes a bien pu avoir les honneurs de la presse, alors que la concurrence était féroce.

Nous sommes 12 à avoir été publiés, pour l'Espagne et la France : Maria Isabel Murillo Urecelay de Pampelune, Hillmanmusik, Irène Doiron, David Gelin, Maria del Carmen Cejudo Bruno, Julien Brigue, Nicoli, Philippe, Julien, Francis Mougenez, Silvana Croze et... Anne Poiré !

 

Voici les textes que j'ai proposés. Alors, devinez celui qu'ils ont finalement sélectionné !

1 -

Cher prince,


Torride, cette lettre ne serait pas crédible. Tendre, enflammée, romantique : pas moi. Amusée, agressive : pas davantage. Sexuelle : tu me reconnaîtrais, certes, mais serais frustré, forcément, mon absence trop à vif te rendrait amer, peut-être...

Ô, cher prince : trois mots simplement, afin que que tu saches combien tu me construis, combien je souffre sans toi. Non pas "Je t'aime", tant attendus. Ni "Je te désire." Encore moins "Tu me manques". "En toi, toujours".
Plutôt :

"Croassent les cataplasmes".
Ou : "Catalyseur de plurivocité". Sans oublier... "Barde bariolé : aventure" !


ta princesse


2 -

Mon chéri,

j'ai déchiqueté tant de lettres d'amour, réduites à l'anéantissement par un typhon de colère, après-coup, que je ne peux me résoudre à te placer sur un pied d'égalité vis-à-vis des autres : pour toi, mon silence seul.

 

3 -

Ô mon Pygmalion,


de glaise, d'acier, de Plexiglas, de bronze, de granit. De béton armé, de malachite, de sable, de marbre : tes épaules, arrondies, tes muscles, souples, tes doigts, caressants, ton sexe, dressé, et tes poils si soyeux.

D'acrylique, d'huile, de pastel et d'encre de Chine, les traits et lignes de tes fesses, la perspective de ta sublime colonne vertébrale. L'indomptable couleur de ton regard.
De poésie, ton rire.

Romanesque, ton geste irremplaçable, lorsqu'après l'amour tu déplaces tendrement mes cheveux en cascade pour qu'enfin ils cessent de chatouiller ta narine.

Théâtrale, ta manière de te rendre de la salle de bains vers notre couche épanouie, drapé de nudité chaleureuse, empereur grandiose, et suprême, de nos territoires infiniment étendus.
J'aime tes mots.

Tout ton art.
Qui de nous deux fait l'autre, dis-moi ?
ta Galatée

4 -
Monsieur B.,

cher Maurice,


depuis soixante-treize ans, désormais, je pense à vous. Je pense à toi. Souvenez-vous, souviens-toi, lorsqu'enfant, le maître d'école des petits garçons, Monsieur R., avait autorisé la fillette que j'étais à guetter sa maman dans votre classe bruyante à culotte courte. Celle qui te contemplait avec émerveillement, bouche bée, c'était moi. Toutefois sans doute ne m'as-tu pas même remarquée. Tu ignores encore que j'existe.

Plus tard, - dans l'ombre, toujours - , pas à pas j'ai suivi tes déménagements, tes réussites, tes fêlures. Reniflé ton divorce, jugé, jaugé tes maîtresses successives.

Jamais je n'ai osé sortir de ce rôle d'observatrice, il eût fallu t'aborder, et l'on sait que ce sont aux hommes de faire le premier pas.
Je viens d'apprendre par notre concierge commune, Madame B., que tu souffrais à présent de troubles graves de la mémoire. Marie est partie, affolée.

L'oubli te ceint de toutes parts.
Je peux enfin venir à toi.

5 -

Comment t'écrire quand mes mains tremblent, et mon coeur, et mes yeux. Une tempête de jour dans mon ciel : tu fais tournoyer les heures, les secondes. Je suis perdue.


6 -

P.


C'est avec effroi que je me découvre amoureuse de votre péricarde. Cette superbe membrane, formée d'un feuillet fibreux, l'autre séreux, qui enveloppe le cur et l'origine des gros vaisseaux, jamais je n'aurais dû accepter de l'ausculter...

J'avais pourtant pris toutes les précautions.


7 -

Mon cher P.
Amoureuse de vous, moi ? Faut-il être indigent, pour oser utiliser pareil vocable. Néanmoins la réalité, hélas, dépasse largement ces quelques maladives et rachitiques si banales syllabes.

Si éprise encore je peux m'affirmer, je ne saurais accepter que vous vous contentiez de m'imaginer amourachée de vous-même, sans plus ! Je suis à l'excès mordue, mon cher, pincée, P., bien plus que vous ne pouvez le concevoir !

Éperdument je suis folle de vous, je vous adore, transie, et vous ne serez jamais réduit à un simple flirt, l'amant d'une heure, l'amoureux placide du kiosque de Valence, que l'on éclipse après usage.

Monsieur l'irremplaçable tourtereau, ô Dulciné de mes mûres années, mon cher P., je suis portée à l'amour, que voulez-vous et vous êtes l'objet qui s'est imposé à moi ! Avec ardeur, lascivement, la volupté m'étreint, s'est infiltrée en chaque fibre de ma chair, éveillée...
Votre effroyable froideur me blesse, sachez-le, mon cher P. ; votre indifférence ne saurait durer. Comprenez que vous m'aimerez, ou je mourrai !

8 -

Querido Patricio,
sabes que no hablo español de manera perfecta, ya que soy francesa, pero tengo que decirte lo que estoy pensando : en cada momento de mi vida, tu rostro, tu piel, tu boca, tu voz y el perfume de tu ser, me dan placer, mi corrazo'n se mueve como un reloj loco, y mis palabras, a la gente quien vive al lado de mi, traducen el hecho de que yo sea enamorada, completamente, de un hombre excepcional, como ningun hombre en el mundo puede ser, un caballero de sensualidad, - con musicas y colores y sabores lindos, increibles, que me dan el fuego.

Gracias para todo

9 -

Mon cher Galistou,
Notre vie de délices, - tonnelle fleurie - , tu la transformes chaque jour en une fête plus exceptionnelle que la veille, acclimatant chaque parcelle de notre Éden, sans que je ne me sente forcée, sous serre.

La vie bourgeonne, tous les sortilèges croissent sous tes doigts : "Galistou-les-pouces-multicolores", c'est toi, car tu aménages en ma chair parterres, plates-bandes libres, livrées à notre inspiration...

Les allées sinuent d'un membre à l'autre, et tu entretiens chaque massif, soignant la plante rare comme l'espèce plus commune. Tu sais arroser jusqu'aux vasques, et j'aime en toi la bêche sensuelle, la binette et le sarcloir, plantoirs efficaces...
Oh oui, cher Galistou, continue de cultiver voluptueusement notre pépinière d'agréments infinis. Tu es à la fois le tuteur, le râteau, l'engrais et la gloriette. Mais aussi le pommier des Hespérides... La pièce d'eau et le fragment zen, anglais et baroque, japonais et suspendu. Jamais totalement publique, notre vie privée, côté jardin, je voudrais t'en remercier... te dire... cher Galistou, qu'en ton inouïe compagnie, vraiment le paysage est unique !

Dans Le Monde du vendredi 14 février 2003, page 15, était publié...
Lequel, alors ?


Pour connaître la réponse, il suffit de cliquer là, et de se rendre page 11 : http://www.agnesrenie.com/ref/saintval.swf