Libre
arbitre
Comédie
footbalistique et philosophique.
d'Anne
POIRÉ
Synopsis :
Une lectrice
irréductiblement peu intéressée par le football
va croiser la star du foot du moment, Zinedidine Zidrame, ce
qui va déboucher, pour elle, sur un merveilleux bouleversement
dans sa vie. Alors, le libre-arbitre ?
Le texte
de ce sketch théâtral ?
A la maison scène 1
(La télévision est allumée, toute la
famille rassemblée devant elle, en train de s'exciter.
Une exception : dans un autre coin de la pièce, tournant
le dos au petit écran, la Lectrice, Aubépine, lit.
Elle est assise, de profil par rapport à la salle, concentrée
sur un livre posé sur ses genoux, ou à plat ventre,
sur la moquette, la bouche ouverte, fascinée par les mots
qu'elle découvre.)
Le père (hurlant)
:
Il va le marquer, son but
?
La mère (hurlant) :
Mon chéri, ne crie
pas comme ça, ouh, ouh, ouh, tu l'as vu, mais tu l'as
vu, ce n'est pas possible, mais que font les arbitres, bon sang
!
Le frère (hurlant) :
Purée, mais je rêve
ou quoi, tu l'as vu l'athlète ?
La soeur (hurlant) :
But ! But !
Le père, la mère, le frère, la soeur,
(au bord de l'extinction de voix, hurlant) :
But ! But !
La mère (s'adressant à Aubépine)
:
Ma chérie, tu ne
sais pas ce que tu as raté !
Le père (soupirant) :
Pfeu, celle-là,
pour la sortir de ses livres ! Elle va mal tourner, je te dis,
c'est sûr, elle ne peut que dégénérer
! Quand je pense que cette petite est ma fille, parfois j'ai
envie de faire des tests ADN !
La mère (soupirant) :
Mon chéri, je te
jure que je n'ai pas fauté, pendant que tu allais à
tes matchs ! D'ailleurs, je venais tout le temps t'applaudir,
tu le sais bien !
Le frère (hurlant) :
Purée, mais vous
allez vous taire, ça va pas, non, au plus beau moment,
vous vous mettez à bavasser ! Non mais t'as vu l'action,
t'as vu le jeu ! Trop beau, je te jure ! (hurlant plus fort
encore) Moi je suis pour le corner, là
La soeur (hurlant) :
But ! But !
Le père, la mère, le frère, la sur,
(au bord de l'extinction de voix, hurlant) :
But ! But !
(La Lectrice, Aubépine, lit toujours. Elle est concentrée
et se contente de tourner la page, avec extase.)
Le père (hurlant avec son fils) :
Il l'a marqué comment,
c'est un pénalty ?
La mère (soupirant) :
Mon chéri, ne crie
pas comme ça, ouh, ouh, ouh, mais c'est qu'il est musclé,
le père Zinedidine, et pas un gramme de graisse, ça
c'est de la belle jambe, dis-donc !
Le frère (regardant sa sur allongée,
méprisant) :
Et l'autre tarée,
là ? Qu'est-ce qu'elle broute ? Bon sang, mais je rêve,
elle bouquine encore ?
La soeur amateur de foot (hurlant, et sortant une cloche,
une trompe, ou tout autre ustensile faisant du bruit) :
But ! But !
Le père, la mère, le frère, la soeur,
(au bord de l'extinction de voix, hurlant) :
On-a-ga-gné !
La mère (s'adressant à Aubépine)
:
Ma chérie, tu ne
sais vraiment pas ce que tu as raté ! (Aubépine
ne lève pas le nez de son livre.)
Le père (soupirant) :
Pfeu, celle-là,
je te jure On n'a pas gagné le gros lot, le jour où
on l'a eue ! Toujours le nez dans ces inutilités, ses
lllliiiiivvvvvreessss ! Mâdâme bouquine, Mâdemôîselle
lit encore. Je me demande comment elle va pouvoir trouver chaussure
à son pied !
La soeur (hurlant) :
Chaussure de foot ? Un
fiancé footeux ? Tu parles, pas elle !
La mère (soupirant, puis criant encore plus fort
que sa fille) :
Ma chérie, ne crie
pas comme ça, ouahh, ils nous repassent les meilleurs
passages, bon sang, regarde ce Zinedidine Zidrame, il tacle,
il dribble, il frappe, bon sang il fait tomber l'adversaire,
c'est le numéro combien ?
Le père (soupirant)
:
Il se relève, c'était
l'attaquant. Ouf, c'est reparti mon titi, vas-y Zinedidine, vas-y
Zidri !
Le frère :
Ouahhhh, et l'autre, là,
t'as vu sa défense, t'as vu comment il tacle, bon sang,
ce dribble, j'te jure ...
La soeur (curieuse, et hurlant) :
Mais c'est quoi, ce bouquin,
eh, toi, la Lectrice, ça te dérangerait de répondre
quand on te cause ?
La Lectrice (semblant se réveiller) :
Oh, rien, c'est juste un
essai, que m'a prêté le prof de philo, sur le cognitivisme
herméneutique et les contingences dogmatiques, voire empiriques
fondamentales.
A l'école
scène 2
(" L' amoureux " de la Lectrice, Raphaël. En
survêtement sportif, chaussures de football, il ne semble
intéressé que par son ballon, avec lequel il joue
à distance des filles)
Véro : (copine
d'Aubépine, la Lectrice)
Dis, Aubépine, t'as
vu Raphaël, là-bas, il se prend pour une vedette,
ou quoi ? Ri-di-cu-le !
La Lectrice : (un livre à la main)
Laisse-le, ne l'embête
pas...
Véro :
Ne me dis pas que (pouffant),
tu t'intéresses à lui ? Comment est-ce possible
!
La Lectrice : (bougonne)
Mais non, ce n'est pas
ça, mais tu ne le trouves pas mignon, avec son petit short,
et ses chaussettes retournées ?
Véro :
Tu plaisantes ?
La Lectrice :
Pas du tout ! Mais quoi,
tu tu ne trouves pas qu'il est beau, Raphaël ? On dirait
qu'il sort directement d'un tableau de la Renaissance !
Véro :
Ma pauvre vieille, mais
tu ne vois pas qu'il ne te regarde même pas !
La Lectrice :
Oui, un primitif italien,
dans toute sa splendeur ...
Véro :
Avec ses gros mollets velus
et ses chaussures à pointe, tu parles ! Non mais, je rêve
! Tu ne serais pas amoureuse, toi, dis ?
La lectrice, (rougissant) :
Ça ne va pas, non
?
Véro :
Pas possible qu'il te tourne
la tête, celui-là. Tu l'assimiles à Zinedidine
Zidrame, ou quoi ?
La lectrice :
C'est qui, Zinedidine Zidrame
?
Dans la rue
scène 3
(Zinedidine Zidrame rencontrant une foule d'admirateurs et
d'admiratrices)
Les gens : (se bousculant, des voix dans tous
les sens )
Ouhh, c'est lui, c'est
lui... Eh, Zinedidine, tu me signes mon autographe, tu me le
signes, dis ? Eh, pousse-toi de là ! Non mais, j'étais
là avant, j'étais là le premier. Mais c'est
Zinedi ! M'sieur Zidrame, siouplaît, siouplaît, vous
me le signez, mon tee-shirt, s'il vous plaît ? Oh le pot,
de tomber sur lui, ils vont pas me croire, au club !
(Le joueur de foot, très heureux, signant, serrant
des poignées de main, faisant sa vedette. )
Les gens :
(se bousculant, des
voix dans tous les sens )
Oh, Zidrame, t'es encore plus grand qu'à la télé,
dis ! Mais ce n'est pas vrai, Zidrame lui-même Oh, monsieur,
vous en prenez, des cadets, vous voulez pas me prendre. Dis,
Zinedidine, tu ne pourrais pas venir au club, juste une fois...
Et ce carton jaune, l'autre fois, franchement, l'arbitre, y'a
pas, il aurait fallu lui défoncer la tronche ! Heureusement,
l'ami, pour le pénalty, il n'y a pas mieux garni ! Oh,
Zinedidine, c'est vrai que vous gagnez autant que le président
de la République ? Plus ! Plus ? Mais combien, alors M'sieur
Zidrame, t'étais bon à l'école, dis ? Ah,
toi au moins, t'incendies les filets, quand tu te lances ! Oh,
Zidrame, avec toi, pas d'occasion ratée, au moins Vous
êtes, mon cher, la merveille absolue Ce type, c'est le
grand jeu ! Zinedidine, Zidy chéri, quand tu débordes
sur l'aile gauche, ça c'est du boulot Tu longes la ligne
de touche, et pofffff l'extase ! M'sieur, faut que je vous dise,
quand t'esquives tes adversaires, moi, je pleure
(Sur le trottoir, venant
en sens inverse, les yeux sur son livre, la Lectrice Absorbée,
n'ayant rien remarqué, elle se cogne, par hasard, au paquet
d'admirateurs du footballeur, et en particulier, à la
vedette.)
La Lectrice :
Oh, pardon !
Zinedidine :
Ce n'est rien, mais tiens,
(le lui arrachant de force), je vais te le dédicacer,
ton livre !
La Lectrice :
Non, non, ça ne
va pas, non ! Mais que faites-vous, monsieur ?
Les gens : (se bousculant, des voix dans tous les sens
)
Oh, Zidrame, t'es encore
mieux en vrai qu'à la télé ! Et qu'est-ce
qu'elle veut, celle-là, elle arrive après les autres,
elle n'a même pas pris son ticket, et elle essaie de piquer
la place aux copains, tu vas voir, comment je vais t'arranger
le portrait !
La Lectrice :
Mais il me l'abîme,
mon bouquin, ce n'est pas possible... Rendez-le moi ! Voleur
!
Zinedidine : (ne s'occupant que de l'ouvrage en question)
Oh, mais c'est passionnant,
ça, la Phénoménologie et l'éthique,
voilà un essai qu'il va falloir que je m'achète.
Je note juste les coordonnées, et je te le rends !
La Lectrice :
Non mais, il est gonflé,
celui-là, un livre tout neuf, que je comptais offrir à
Raphaël ! Comment je vais faire, moi, maintenant ?
N'importe où,
les amoureux sont seuls au monde Scène 4
Raphaël : (jouant
avec un ballon, ne la regardant même pas.)
Alors, je peux savoir pourquoi
tu m'as demandé de venir, là ? Tu veux quoi ?
La Lectrice :
Eh bien, voilà,
heu...
Raphaël :
Tu veux jouer dans notre
équipe mixte, c'est ça ?
La lectrice :
Euh, non je voulais juste...
Raphaël :
T'es bonne goal, attaquante,
t'es quoi, au juste ?
La Lectrice :
Je désirais seulement
te faire un petit cadeau, heu, j'ai pensé que ce livre
te plairait heu... je enfin, je...
Raphaël (ne la regardant toujours pas, jouant avec
son ballon) :
Ben toi, t'égalises,
tu marques ? (Ne prenant pas le livre, qu'elle essaie de le
forcer à accepter) C'est quoi, ce machin, t'es bizarre,
c'est quoi ce bazar ? La vie de Zinedidine Zidrame ? Son best-off
? Le récit de ses matchs les plus fameux ? (Lyrique)
Ils le sont tous ! La hargne du combattant, la force de l'attaquant,
l'immensité du champion absolu... Tu sais, moi, la littérature.
À moins qu'il soit question de révéler son
secret, pour fouler les pelouses sans avoir l'air d'y toucher,
son grand art, quoi, moi, je n'aime pas trop lire, il va falloir
t'y faire ! Je n'ai jamais décrypté plus de trois
mots de suite.
La Lectrice : (semblant se réveiller) (À
part)
Je me demande vraiment
si ce précis de philosophie pourra l'intéresser
(À Raphaël) Tiens, c'est pour toi !
Raphaël : (feuilletant l'ouvrage)
Bizarre ! Oh, c'est quoi,
ça, " Zi-zi Zine-Zineuhhh-Di.", ouah, génial,
génial, bon sang, la signature de Zinedi', de Zidrame
lui-même, comment t'as eu ça, comment t'as fait,
dis ?
La Lectrice : (se faisant toute petite)
Oh non, je suis trop nulle
! Ce n'est pas cet exemplaire-là, que je devais te donner,
c'est l'émotion, pardon ! Oui, je suis désolée,
c'est un type, dans la rue, un inconnu, il me l'a abîmé,
ce livre, attends (sortant un autre exemplaire de sa poche),
je te l'ai racheté, tout neuf, tiens, celui-là,
je vais le jeter ! (Une poubelle immense se trouvant là,
elle s'en débarrasse, Raphaël plonge dedans)
Ben ça, si j'avais su qu'il aimait tant la philosophie,
Raphaël, ça fait longtemps que je lui en aurais offert,
des livres aussi passionnants ! Comme celui sur la maïeutique,
de l'autre jour. Ah, avec ce merveilleux garçon, au moins,
je vais pouvoir parler du libre-arbitre !
Fin
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Caractéristiques
Durée
approximative : 15 minutes
Distribution
:
A la maison :
La Lectrice : Aubépine une jeune fille aimant lire, pas
sportive du tout. Le détail distinctif, la caractérisant,
bien sûr, ce sont des lunettes d'intellectuelle Cliché
des lunettes rondes, ou bien d'écaille, bien visibles
depuis la salle.
Son père, sa mère, son frère, sa soeur :
tous les quatre sont passionnés par le football, le cliché
des Français moyens (pourquoi pas un béret pour
le père et un tricot pour la mère ?)
A l'école :
Les copines d'Aubépine, en récréation, et
surtout, Véro, avec qui elle parle de Raphaël.
Son " amoureux ", Raphaël. En survêtement
sportif, chaussures à crampons, il ne semble intéressé
que par son ballon.
Dans la rue :
Zinedidine Zidrame, une vedette du monde sportif, un footballeur
connu : la star.
Une foule d'admirateurs et d'admiratrices (un enregistrement
préalable ou des marionnettes pourront remplacer les différents
comédiens)
Décor : Les quatre lieux peuvent être synthétisés
par une simple pancarte, comme dans les films en noir et blanc,
par exemple, annonçant " à la maison ",
" à l'école ", " dans la rue "
Costumes :
Il s'agit de vêtements
contemporains, opposant le style " sportif " de la
majorité ambiante, et le raffinement de la tenue d'Aubépine
(pourquoi pas quelques dentelles, un col Claudine).
Public : Tout public, sportif, philosophe ou non
!
Remarque :
Ce texte peut également
être téléchargé depuis le site spécialisé
dans le théâtre.
http://www.leproscenium.com
Cette pièce, comme
toutes les autres, est protégé par les droits d'auteur.
Avant son exploitation
vous devez obtenir l'autorisation de l'auteur auprès de
l'organisme qui gère ses droits : la SACD.
C'est une obligation, y
compris pour les troupes amateurs.
Merci de respecter les
droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent
toujours profiter de nouveaux textes.
L'auteur peut également
être contactée par courriel à l'adresse suivante
: anne.poir@wanadoo.fr
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La Création de ce sketch date du 23 juin 2007, par la
compagnie : ESCALE à PECHBONNIEU (31)
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