Mot à maux n°5

 

La superbe revue de Daniel Brochard, est parue en juin 2006...
On pour se procurer ce numéro pour 4 euros, il suffit de contacter Daniel : BROCHARDDA@cc-parthenay.fr ou en lui écrivant 3 allée Cuvier 79 200 Châtillon/Thouet. Format A4, 36 pages, quelques encres de Patrick Guallino, des textes de Maryse Satgé D'Alto, Eric Dubois, Fabrice Marzuolo, Agnès Schnell, Dany Sénéchaud, Gérard Paris, Monique Foïs, Daniel Brochard, ... Anne POIRÉ (p. 26/27/28), et plein d'autres plumes bien vivantes, dans leur libre expression !

 

D'Anne Poiré, les pages 26, 27, et 28.

 

Funambrûle de l'extrême

homme des crêtes
tu franchis les frontières
veines incandescentes
tatouées en plein coeur
-
suspendu entre huile
et braise

tu te souviens
de ton premier poème

appris de qui
-
dessous les velours opaques
de l'acrylique alphabétique
tes diamants étincellent
-
calligraphie égouttée
qui tremble

dans la ténèbre longuement
tu divagues
jusqu'aux éblouissements indéchiffrables
-
fluidité des soleils élargis
astres saisissants

minérale la tirade d'orangé
ensanglantée
baignée d'or aigu

tu

mannequin
ploies

désirs contradictoires
-
tes syntagmes aiguisés
tu allumes les nuits
tu t'emballes

culmine le cri
-
lumineusement gais
topazes et alizarines
noir sourd placé là
pour moduler
les bleus têtus et les verts élégants
voilà que tu ponctues
-
mouvements comptés
pliés

la sueur rougie
échappée du dedans
-
toi aussi
tu as ta phrase
à dire
-
tes maux préludes aux rythmes
tu t'endors
t'éveilles

le rire en gerbes de palettes
face à face dans d'obscurs souterrains
-
à l'éponge
jardin d'aigue-marine
crépusculaires flamboyances d'acier trempé
recouvertes de gaité
-
dans les rehauts
les blancs tendrement veloutés
le turquoise
tu fais naître du safran
immaculé
tu emploies l'imparfait
le plus-que-parfait
-
erreurs et greffes
graffitti
boutures racines ardentes

brillant
les yeux pétillants

ton éternel questionnement
-
en équilibre redoutable
duveteux
le cerise épars
-
pénombre saltimbanque
tu écris jusqu'à l'impossible saturation
des sons
des couleurs
-
d'abricotine mêlée de pamplemousse
la pulpe des saveurs
-
plus personne au guichet
quelqu'un
plusieurs
trajectoires de lumières
à perpétuité
tu interroges encore
-
matières que tu grattes
fores

rages

caressé le papier
accrocs sanguinolents
l'esquisse teint livide
tes encres déchiquetées

mots essayés

chaque portrait
sarclé
-
malmenés écartelés

verbes adverbes
adjectifs et substantifs

de ta gangue en zigzags
ramifications sans filet
-
maculé d'indélébiles pâtés
pigments

tu t'absentes t'éclipses
te rescapes comme possible
-
resserrées à la gorge
tes clameurs de halo
-
éphélides de fuchsia
vocalises de jaune de chrome
dans l'étendue jamais amère
des pourpres radieux
-
affranchissements
spatules brosses pinceaux et vernis
au coeur des virgules d'ivoire
-
d'amande et de rond coquelicot
tracés harmonieux

tu te tais
tu préfères rêver
-
de malachite le fond intense
sur traits de magnolia majuscule
marbré de charbon farouche

funambrûle de l'extrême
tu souris

Le poème est accompagné d'une présentation de l'auteur :

Plutôt du genre gourmande, je passe de l'écriture de romans à des nouvelles, des poèmes, du théâtre, des articles sur les peintres qui me plaisent. J'écris tous les jours : c'est une nécessité plus forte que l'oxygène... Publiée dans des revues telles Triages, des éditions Tarabuste, Comme en poésie, De l'autre côté du Mur, Artension, Gazogène,Traces, La faute à Rousseau, (Cahiers d')ÉCRITURES, Utopia, Neuf de cur..., j'ai participé à des ouvrages collectifs au Seuil, chez Actes Sud, et publié une vingtaine de recueils et plaquettes, aux éd. Encres Vives, Marie Morel, L'Amateur, Clapàs, De Groote Beer, On @ Faim !... Traduite en anglais, slovaque, néerlandais et espagnol, j'ai été plusieurs fois mise en musique par le compositeur Olivier Faes, ce qui constitue un véritable privilège ! Si les titres de mes livres parlent de moi ? Je suis plutôt sensuelle, en témoigne Pulpe doigts, paru aux Éd. Rafaël de Surtis. Je cherche éternellement La source, comme l'indique le titre de ce poème, publié aux éd. Comme ça et autrement. J'y crois encore, - émotions fortes -, même si le mien est mort : et c'est Papa... Noël, paru aux éditions Chomarat. Avec les mots je voyage : éternel Périple de brocart, aux éditions Gros Textes... L'humour ne me déplaît pas : sinon pourquoi oser titre aussi provocateur que Elle est nulle, ta pièce !, aux éditions ABS. Mais à vrai dire, s'il fallait me dessiner, c'est bien simple, il faudrait utiliser toute la gamme, toutes Les couleurs du bonheur (éd. Carmina)... car si ma vie est Déchirure (LB éd.), elle est aussi Feu d'artifice (Tournefeuille éd.)...

http://multimania.com/annepoire/

Et une "libre expression" :

Astrid-Mira

Au tam-tam des poètes, j'ai reçu ces jours-ci un e-mail d'Alain Jégou, à propos d'Astrid-Mira. Puis Jean-Christophe. Belleveaux, Jacques Fournier ont suivi...
Astrid-Mira est une petite fille originaire du Congo. Elle vit en France, terre d'asile. La voilà en danger d'injustice, de non-assistance. Son père a disparu, sa mère craque. Qui ne ferait pareil ? Après avoir été emprisonnée, violée, battue, contre combien de murs devra-t-elle se cogner ? Un collectif se met en place, on peut faire partie du comité de soutien à cette fillette, élève sérieuse et appliquée, au cours préparatoire : elle aura appris à lire près d'Orléans. Saïd Mohamed écrit, "Rameute les copains de la plume". Il en appelle aux "poètes encore vivants de ce monde", pour tenter d'empêcher l'inacceptable. Signez la pétition, et envoyez à Marie-Aude Murail un livre dédicacé à Astrid-Mira. Ces ouvrages seront rassemblés, afin de dresser un cordon de protection symbolique, et public, pour cette enfant innocente, emblématique de tous les êtres rejetés, dans l'impasse et l'insécurité.
De Marie-Aude Murail, j'avais lu, il y a quelques temps, Vive la république !, un roman qui traite de ce sujet, l'expulsion de ceux qui voudraient bien pouvoir aller à l'école, et apprendre, comme leurs camarades, mais dont les parents sont sans papiers. Hier, aujourd'hui eux, demain d'autres...
Le site sur lequel se renseigner sur les aléas de cette affaire à la fois d'actualité, et hélas, intemporelle, est le suivant :

http://poetes.hautetfort.com/

Oui, clamons-le. La poésie n'est pas que mots, elle est aussi engagement, pacifique combat. Ce coeur de sept ans constitue un symbole. Pas parce qu'elle survit, avec sa maman, dans un foyer, avec 69 euros par mois. Pas parce qu'elle rayonne, aux dires de Marie-Aude Murail. Parce que les écrivains ne peuvent laisser passer semblable scandale, sans le dénoncer : les humains sont des loups, féroces, pour tant de chaperons multicolores, lesquels préféreraient dessiner, tranquillement, de toutes les couleurs du bonheur ! À nous de les préserver.

Anne Poiré - 29/05/06

 

 

Pour compléter ce dossier :

Texte que j'avais écrit pour la fillette en question,

sur Internet :

 

Sucre miel et chocolat

 

regard d'astre et d'humain
astrid-mira

dis-moi
du haut de tes infinies années

où l'homme peut-il chercher refuge
où l'homme peut-il s'enfuir

fuir

ses propres guerres
ses sales enfers

partout des humains
avec leur cruauté

dis-moi
astrid-mira

toi qui enfant
regardes ce monde de feu

exécutions
viols et pillages

où donc est la paix

partout de drôles d'humains
avec leur animalité

leur peur sur la main
leur coeur souterrain

partout d'affreux humains
avec leur médiocrité

et toi
qui voudrais espérer

astrid-mira

crois-moi
il est possible de changer

crois-moi
astrid-mira

ensemble nous allons avancer
pas à pas

nous allons revenir
à l'alpha

à l'oméga

liberté égalité fraternité
astrid-mira

sucre miel
et chocolat

 

Anne Poiré - pour Astrid-Mira - 28/05/06