- Ody Saban

 

est une grande artiste, d'origine turque, qui vit à Paris, expose dans le monde entier, ses oeuvres sont vraiment très riches.

 

D'après quelques éclats

tout feu tout femme

d'Ody Saban

 

Les encres d'Ody Saban occupent à elles seules plus d'espace que ce qu'elles veulent bien laisser voir : un murmure de sensualité se propage hors des panneaux de peau tatouée, épiderme largement historié, enluminé, en isthmes, langues et baisers, poupées russes de cocagnes et gigognes sans vergogne, amoureuses. Des personnages aux membres moulés, entrés les uns dans les autres, ajustés, assemblés, encastrés, - pieuvres insatiables -, se perpétuent, à partir de traits qui leur sont communs.

Il faut explorer, sonder attentivement chaque point
Surtout, ne pas se contenter d'un bref instantané

Car chez Ody Saban, les êtres s'enchâssent et s'emboîtent, accouchent de nouvelles rondeurs, prolifèrent

Suivant un canevas touffu, compliqué, les ornements nous conduisent vers des rivages d'exploits animaux, performances d'adroits effleurements humains, ardents, prouesses de complexes branches à longs doigts, et épaules à racines de cieux, - ou de pieux -, supports exemplaires permettant d'envisager des ballets incessants qui font renaître l'incandescence.

Dans les méandres de cette souple carto-choré-graphie, se distinguent peu à peu des continents aux dérives éloquentes, des amants abouchés avec tempérament, se jouant des noirs, des blancs, des gris, en camaïeux et dégradés, ombres et lumières, à tâtons, tons sur festons.

Tous ces gens couchés, debout, à croupetons, s'accrochent au moindre téton.
Ils n'éprouvent nulle peur des ridicules qu'en-dira-t-on.

Il s'agit bien là d'une orfèvrerie précieuse, dans laquelle Ody Saban, qui s'implique fortement, excelle.

En dentellière des chairs creusant les reliefs, évidant les marges, les interstices, ouvrant sur d'insolites profondeurs, elle exécute une broderie au motif baroque déliant l'imaginaire

Et dans les trouées, parfois, on croit sortir du corps à corps, - par exemple un bateau semble prendre le large, dans une parenthèse, un recoin apparemment plus aéré, moins sexué C'est une bulle d'air dans ce magma traversé charnellement par toutes les formes et les odeurs d'heureux et lascifs tourtereaux
Or voilà que les voiles se métamorphosent en lèvres goulues et gourmandes, embaisées dirait-on, profils embrassés, guipures débordant, fesses et hanches aux seins fruités, jaillissant

De la sorte, croissent et se multiplient de labyrinthiques contours, courbes, chemins légendaires, en un mythique emmêlement, zigzags s'allongeant, se repliant à volonté, déjouant l'oeil trop pressé, puisque d'un bras surgit un torse, d'une langue, le tracé d'Ody Saban, caméléon baladeur, enlace inextricablement des silhouettes langoureuses, elles aussi porteuses de volupté.

Ainsi l'étreinte se poursuit-elle, d'entrecroisements infatigables en caresses de papier, exutoire à jouissance volcanique, toujours là, inapaisée, dans ces festins des sens, ripailles enchevêtrées, arceaux sauvages, rubans, poils et lignes d'anatomie aux somptueux accords et résonances, dans la polyphonie d'un graphisme qui ne finit pas de nous étonner !

Appétence, fantaisie, chatterie 

Friandises, gâteries : de ces noeuds d'individus intimement liés, attachés par cajoleries, pointes et saillies, Ody Saban nous offre splendide sarabande

De cette géographie du désir, de cette désirade à nu, - tout fil tout flamme -, Ody Saban extrait la pulpe d'un voyage aux confins des pulsions, où joyeusement, libido rime avec cadeau, allant éminemment crescendo.

Rinforzando

 

Anne Poiré

 

Second texte sur la même artiste...

 

En assemblant des traits et des lignes, Ody Saban s'avance vers les rivages heureux de son imaginaire, elle couvre ses toiles de chimères, fantasmes et entrelacements qui ne cessent de broder mille et un chemins, pour la rêverie de celui qui regarde.
Les corps se frôlent, se tordent, se reprennent et se tiennent, comme en mouvement et arrêtés à la fois, ainsi, dans un corps à corps obscène d'intensité et de présence.
C'est ce que j'aime, chez Ody Saban, ces orgies de couleurs, de formes, ces voluptés sexuées, osées. Oui, elle ose, Ody !

Sarabandes d'hommes qui bandent et de femmes qui flânent, êtres qui jamais ne se fanent, hordes sauvages, suaves, qui s'offrent et se mêlent langoureusement.

Du baiser à la baise, il n'y a qu'un pas : Ody l'affranchie l'a souverainement franchi !

 

Dessin collection personnelle Anne Poiré